[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]À compter du 1er juillet prochain, la Réforme des Indemnités de Formation (RIF), voulue conjointement par la FFR et la LNR, entrera en vigueur. Au programme, une redistribution vers les clubs formateurs d’une nouvelle ressource financière ponctionnée des clubs professionnels vers les amateurs.
Les trésoriers des clubs amateurs qui façonnent aujourd’hui les joueurs professionnels de demain se réjouissent. Avec l’instauration de cette réforme début juillet, chaque joueur qui signera un contrat pro en TOP 14 ou PRO D2 permettra aux trésoriers des clubs par lesquels il est passé, de l’école de rugby au centre de formation, d’ajouter une ligne supplémentaire dans la rubrique « recettes ». À l’initiative conjointe d’Alain Tingaud, Vice-président de la LNR en charge notamment de la formation, et de Thierry Murie, Vice-président de la FFR en charge du rugby amateur, ce nouveau mécanisme encouragera et récompensera les efforts de formation des clubs amateurs à leur juste valeur.
La volonté de reconnaître le travail de formation
Qui va payer? Les clubs professionnels, commente Alain Tingaud. «100 % des joueurs pros, ou presque, sont passés par des écoles de rugby et des centres de for- mation. Il est donc important que tous les clubs ayant participé au parcours de formation puissent être récompensés à la juste valeur de leurs efforts.» Parmi eux, les clubs amateurs, socle de ce mécanisme, qui forment les jeunes pousses, dénichent les talents et polissent les pépites. «La RIF, c’est une volonté de reconnaître le travail de formation du joueur, de 6 à 18 ans, poursuit Thierry Murie. Quand un joueur signera un contrat professionnel, chaque club par lequel il est passé recevra des indemnités de formation au prorata du temps resté chez lui.»
Pour le mode de calcul, entre algorithmes et formules mathématiques, le plus simple est de suivre les explications d’Alain Tingaud : «Le facteur déclenchant, c’est la signature d’un contrat professionnel par un joueur. Le calcul est fait de la manière suivante : la formation a un coût, différent selon les niveaux (école de rugby, moins de 15 ans, etc.). Nous avons effectué un audit sur un gros échantillon des clubs du Top 14 et de Pro D2, ainsi qu’à Marcoussis quand le Pôle Espoirs était présent, et sur quelques clubs de Fédérale. L’idée était de mesurer les coûts de formation par tranche d’âge depuis la première licence en école de rugby. On a ainsi pu constater que la formation d’un joueur, avant qu’il devienne professionnel, coûtait en moyenne entre 220 000 et 250 000 euros. À chaque étape de son parcours de formation, on a donc décidé d’affecter des uni- tés de valeur. On part du principe qu’une unité de valeur représente 1000 euros. Si on détermine que la formation d’un joueur pro a coûté 225000 euros, donc 225 unités de valeur, on détermine alors le nombre d’uni- tés de valeur par étape de son par- cours suivant le temps passé ici ou là (école de rugby, catégories jeunes, etc.). L’indemnité de base, une fois établie, est alors indexée sur le salaire annuel du joueur. Le club professionnel la répartira ensuite sur une période de 10 ans et la paie- ra depuis le premier contrat professionnel jusqu’au terme de la 10ème année professionnelle du joueur. Elle sera recalculée chaque année en fonction de l’évolution du salaire du joueur. Ainsi, tous les clubs qui ont participé au parcours de formation recevront leur part en unités de valeur sur la période pendant laquelle le joueur a fréquenté ledit club.»
Des moyens supplémentaires grâce à la réforme
« Les clubs professionnels entre eux ne se reverseront, la première année d’application, que 10 % de cette indemnité, ajoute Thierry Murie. En revanche, la filière amateur touchera 100 % de cette nouvelle indemnité, dès la première saison d’application, sur les dix années. C’est donc un plus pour les clubs amateurs.» Le pilier droit du XV de France, Demba Bamba, passé par le centre de formation de Brive, va poursuivre sa carrière professionnelle au LOU la saison prochaine après avoir débuté en minimes (jusqu’en cadets 2e année) au Saint-Denis Union Sportive. Olivier Gleveo, président du club formateur, se félicite de cette réforme et des possibilités qu’elle va lui octroyer : «Cette donne financière nous donnera les moyens de former des éducateurs pour attirer des gamins dans nos écoles de rugby, surtout dans nos quartiers difficiles où le rugby n’est pas très “naturel”. Si on veut des éducateurs diplômés et qualifiés, il faut pouvoir les rémunérer ; c’est indispensable, par exemple, pour pénétrer le milieu scolaire, un de nos terrains fertiles, ici, à Saint-Denis et aux alentours. »
Chez les professionnels, ce changement ne semble pas effrayer, comme le confirme Yann Roubert, président du LOU : «Ça grèvera forcément un peu le budget de fonctionnement des clubs qui ne sont pas formateurs, mais cela récompensera ceux qui forment. C’est aussi l’occasion de renvoyer un peu d’argent aux clubs formateurs, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Ça va coûter de l’argent, mais c’est le prix à payer pour garder les joueurs formés ailleurs. L’idée d’être récompensé si un joueur formé au club le quitte atténuera aussi la déception de le voir partir. Il faut créer un cercle vertueux de la formation en France. L’enjeu commun est de s’assurer que le rugby français forme de bons joueurs, pour le championnat, pour l’équipe de France et pour redonner le goût du rugby aux jeunes.»
Pour les clubs amateurs, le son de cloche est un peu plus tempéré, même si on se félicite de cette reconnaissance. « On aurait aimé que la RIF soit un peu plus revalorisée, confie Jean-Marc Mercier, président de l’Union des Clubs de rugby amateur français (UCRAF). Toutefois, c’est un plus, car c’est de l’argent que les clubs amateurs ne touchaient pas. On est en train de travailler sur une autre réforme de l’indemnité de formation, celle que les clubs amateurs doivent payer entre eux ou avec les centres de formation ou associations supports des clubs professionnels, et ce, même si le joueur ne devient pas professionnel. On ne se voile pas la face. Cela va rapporter de l’argent aux clubs amateurs, mais ça ne va pas toucher les 400 clubs concernés par cette réforme. La totalité des joueurs ne deviendront pas professionnels.» C’est pourtant tout le mal qu’on leur souhaite.