Patrick Sébastien : « Mêlée, touche, mêlée, ça va deux minutes »
Ancien joueur et dirigeant de rugby, l'animateur, qui vient de quitter France Télévisions, n'a jamais perdu son sport de vue.
Sacha Nokovitch
Il vient de boucler l'enregistrement de l'ultime numéro des
Années Bonheur, sa dernière émission produite pour France Télévisions après vingt-trois ans de collaboration.
« Mais vous savez que je pourrais parler rugby pendant trois jours », prévient Patrick Sébastien (65 ans), ancien troisième ligne et ex-président de Brive (1995-1999 et 2007-2009), abonné à
L'Équipe,
« le seul journal que je lis tous les jours ! D'ailleurs, je vous ai trouvé dur avec votre une sur Huget après France-Galles (19-24). Je lui ai envoyé un texto pour lui dire que ce n'était pas de sa faute. Il m'a remercié et m'a répondu : "C'est un fait de jeu."
» Depuis, ce fan de Messi s'est aussi branché sur Lyon-Barça (0-0), même si en ce moment, c'est le PSG qui le
« fait bander » ...
«
Vous venez de quitter France Télévisions, songez-vous à un retour dans le rugby ? Je ne pense pas. Aujourd'hui, président, c'est 70 % d'emmerdes. Mais si je devais faire mon retour, ce ne serait qu'à Brive. Si un mec bourré d'oseille voulait reprendre le club, j'irais en courant ! Pour monter un staff et accompagner l'équipe. Mon maillot, il est noir et blanc et quand le club gagne, je suis content... Mais aujourd'hui, je suis triste parce qu'on ne fait rêver personne (Brive évolue en Pro D 2).
Avez-vous eu le même sentiment en quittant le service public qu'en partant de Brive en 1999 ? Exactement le même. Dans les deux cas, je me suis heurté à des notables, des gens établis qui n'acceptent pas qu'on ne soit pas comme eux. Les bonnes personnes ne sont pas aux bonnes places, ce sont les copains des amis des copains. Par exemple, Guy Novès... Ce n'est absolument pas normal ce qu'on lui a fait... Bernard
(Laporte), c'est un ami, mais ce sont des règlements de compte entre mecs...
«Lorenzetti, Altrad et compagnie, ils ne viennent pas au rugby pour le club mais pour eux»
Vous l'ancien président, comment voyez-vous ceux d'aujourd'hui ? J'ai du mal avec ceux qui n'ont jamais joué, qui apportent juste du pognon. Lorenzetti, Altrad et compagnie, ils ne viennent pas au rugby pour le club mais pour eux, c'est une manière d'exister. Boudjellal, au début, j'ai tiqué, j'avais l'impression qu'à Toulon, c'était aussi tout pour le pognon, mais il a des couilles. Il a lancé le pilou-pilou et les joueurs qui fendent la foule avant d'entrer au stade... Comme j'ai adoré ce qu'avait fait Max (Guazzini) à Paris. Ils font bouger les choses, ces mecs-là.
Vous regardez toujours les matches ? Oui, mais je regarde rarement en direct. Voir un joueur attendre deux plombes derrière la mêlée pour balancer un coup de pied à suivre, c'est chiant et en plus, ce n'est pas efficace. Du coup, j'enregistre et je passe les matches en accéléré parce que mêlée, touche, mêlée, ça va deux minutes.
Que pensez-vous des performances des Bleus dans le Tournoi ? T'as l'impression de voir un navire qui navigue à vue. T'as des bons joueurs, mais pas de chef et tu rafistoles du vieux avec du jeune. Pourquoi ne pas avoir fait confiance aux jeunes, comme le petit
(Antoine) Dupont, dès le début ? Pourtant, je reste persuadé qu'ils peuvent faire quelque chose en Coupe du monde. On a les joueurs, mais il faut que ce soit dirigé autrement. Je n'ai rien contre
(Jacques) Brunel, mais je ne suis pas sûr qu'il soit l'homme de la situation.
Si vous étiez dans le vestiaire du quinze de France, vous leur diriez quoi ? J'aimerais tellement... mais il faudrait être entouré des bonnes personnes. T'aurais demain les deux Laurent
(Travers et Labit, entraîneurs du Racing 92) à la tête du quinze, je pourrais leur dire les mots qu'il faut, pas seulement sur mon expérience de rugby. J'ai organisé plein d'événements festifs pour donner envie aux gars de se regarder dans les yeux et de se dire : on ne peut pas se baiser, les mecs, ce n'est pas possible ! Il faut que les mômes soient heureux d'être ensemble. Quand ils sont sortis faire les cons en Écosse
(après Écosse-France, le 11 février 2018), c'était une connerie de les punir. Ils doivent retrouver de la joie de vivre, ces gamins sont tristes comme des portes de prison. Il y a trois ans, j'étais allé dans le vestiaire du Racing avant un match amical estival contre Bordeaux. Je n'ai pas vu un sourire... Que des mecs qui allaient jouer la finale de la Coupe du monde. On m'a dit :
"Oui, mais tu comprends, les enjeux..." Là, je me suis dit, on perd un truc.
Est-ce seulement une faille psychologique ? On ne peut pas continuer avec dix étrangers par club. J'ai envoyé un message à Laporte pour lui dire de les limiter dès la saison prochaine à cinq par feuille de match ! C'est le seul moyen de préparer les prochaines Coupes du monde. Arrêtons de faire venir des mecs qui viennent juste chercher de la thune et pensons un peu à l'équipe de France.
«Bernard (Laporte), je l'adore, mais c'est devenu un politique»
L'arrivée de Bernard Laporte comme chroniqueur chez Cyril Hanouna a beaucoup fait parler... Franchement, on s'en fout ! Bernard, je l'adore, mais c'est devenu un politique. Avec Serge Blanco et Fabien Galthié, ils sont faits du même bois. Ce sont des hommes d'affaires qui ont joué au rugby. Ils aiment leur sport, mais ce sont des mecs de réseau.
Cela vous brancherait d'animer une émission de sport ? Quand le rugby est arrivé sur Canal
(1985), je commentais aux côtés de Francis Deltéral et Charles Biétry. Aujourd'hui, pourquoi pas intervenir dans des émissions comme le Canal Rugby Club ? J'adorerais échanger avec des gars comme Chabal et Lombard. Ou encore écrire ! Faire une chronique dans
L'Équipe, ce serait top !»