Bel article de Argueyrolles / L'Equipe sur Gonzalo :
Top 14 Quesada, l'affectif méticuleux
.Gonzalo Quesada, l'homme qui fait revoir la vie en rose au Stade Français.
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Gonzalo Quesada, le manager du Stade Français, fait l'unanimité autour de sa personne et de son projet. Portrait éclaté de l'homme qui est l'artisan du renouveau du club parisien, finaliste du Top 14 (samedi 21h00 contre Clermont).International argentin entre 1996 et 2007, Gonzalo Quesada est arrivé en France en 1999, à Narbonne. Il est resté dans l’Aude deux saisons, avant de porter les maillots de Béziers, du Stade Français, Pau et Toulon pour une saison à chaque fois. De quoi laisser penser que le joueur a eu du mal à se fixer dans une équipe, à s’installer en vrai n°1 à l’ouverture. L’homme a surtout eu soif d’expériences et a toujours choisi d’apprendre en voyageant.Le manager du Stade Français s’est fait connaître pour ses qualités de buteur. Et surtout pour sa préparation méticuleuse avant chaque frappe. Les médias britanniques lui avaient ironiquement trouvé le surnom de «Speedy Gonzalo» (en référence au personnage de dessin animé Speedy Gonzales, la souris la plus rapide du Mexique), tant il prenait du temps avant de frapper. Plus tard, il a suivi des études de bio-mécanique pour encore mieux maîtriser les effets du corps humain sur la balle au moment de la frappe. «Pour comprendre comment associer précision pure tout en ayant la fréquence cardiaque à fond».
Entraîneur, il continue de ne rien laisser au hasard et peut se prendre la tête sur des détails que d’autres ne remarqueraient même pas. Et il ne compte pas son temps quand il s’agit d’expliquer quelque chose à un joueur. «Il peut passer deux heures à t'expliquer quelque chose dont la réalisation prend deux minutes», explique un joueur du Stade Français. En finale, il aura d'ailleurs en face de lui un de ses anciens élèves en la personne de Morgan Parra. Le Clermontois a bénéficié des conseils de Quesada en équipe de France, comme il le rappelle dans La Montagne. «Il m'a énormément apporté. Il possède cette capacité à évaluer tous les paramètres extérieurs qui peuvent influer ton coup de pied.»
Quand la notion de management est parfois délaissée dans le rugby de club français, Gonzalo Quesada est lui un fin connaisseur de cette matière et applique des méthodes très précises. l'Argentin a ainsi choisi d’intégrer ses joueurs à son projet et de faire corps avec eux. Une façon de voir les choses apprises en entreprise, lorsqu'il était encore joueur amateur en Argentine au début de sa carrière, et pas sur le banc de touche. «A partir du moment où il y a un groupe qui doit interagir, avec une performance à réaliser ensemble et des objectifs communs, les enjeux, le fonctionnement et les mécanismes sont toujours les mêmes. Donc, évidemment que se former au management en entreprise donne d'autres angles pour créer une dynamique de groupe, des stratégies pour la réussite d'objectifs ou travailler en équipe. Personnellement, ça m'a beaucoup apporté.» confiait-il au site lathlete.fr. Et en bon manager, il a su s'entourer de personnes qui lui sont complémentaires, à l'image de Jeff Dubois. «Gonzalo, c'est le côté très organisé du jeu. Jeff, c'est un peu plus fou-fou. Pour nous, avoir les deux, c'est bien», affirmait Jules Plisson la saison dernière.Gonzalo Quesada n’est probablement pas prêt à tout pour gagner. Il a fait de l’aventure humaine sa priorité. La vie de groupe est le secret de sa réussite. Il estime que si les joueurs sont heureux et que le groupe est soudé, alors les résultats viendront naturellement. Il veut être aimé de ses joueurs et il y parvient en s'impliquant dans la vie du groupe bien au-delà des entraînements. Lors des séances, les sourires sur les visages des joueurs et les vannes échangées témoignent de la bonne ambiance qui règne. De son côté, il ne masque pas combien son groupe peut le rendre heureux. «Je suis le témoin privilégié de la vie de ce groupe. Je vois ce qui se passe et j'en suis fier». Mais n’allez surtout pas prendre sa gentillesse pour de la faiblesse. C'est juste que, comme le confie Adrien Buononato àMidi Olympique, «il n'a pas besoin de vivre dans le conflit».
Gonzalo Quesada est titulaire d’un diplôme de préparation mentale et d’un Master en sciences économiques et gestion des entreprises. Un bagage universitaire hérité des années argentines, lorsqu'il était encore un joueur amateur et un universitaire comme d'autres Pumas de sa génération: Rodrigo Roncero (médecine), Mario Ledesma (ingénieur) et Felipe Contepomi (chirurgie orthopédique). Esprit analytique, il va jusqu’au bout et adore décortiquer le moindre sujet. Ce qui peut sembler paradoxal avec son côté affectif évoqué plus haut. Car s'il laisse parler les sentiments quand il s'adresse à ses joueurs, chaque mot est pesé et chaque souffle réfléchi. «Il peut passer une heure juste pour envoyer un mail afin d'organiser un repas pour les joueurs. Il fait attention à la moindre virgule», rappelle Adrien Buononato, un de ses adjoints.Non, Gonzalo Quesada n’occupe pas son temps libre (en a-t-il seulement?) dans une caserne. Mais il est doué pour éteindre les incendies. En 2011, alors qu’il est spécialiste du jeu au pied de l’équipe de France, c’est lui qui rétablit le lien entre le staff et les joueurs lors d’une Coupe du monde qui avait marqué une rupture entre les deux parties. En 2012, il reprend un Racing-Métro en miettes après le traumatisme Berbizier et le conduit en phases finales. Quand il signe au Stade Français, en 2013, le club n’a plus d’identité et regarde la phase finale de loin. Aujourd’hui, Paris est en finale et a retrouvé un jeu complet. Les capacités de management de Quesada en ont fait un spécialiste pour remobiliser un groupe en perdition. Pour sa deuxième saison au Stade Français, il recueille enfin les fruits de son travail.Dans sa volonté d’impliquer les joueurs dans son projet, Quesada est très à l’écoute des jeunes joueurs du club. Sous la direction de Michael Cheika, son prédécesseur à la tête de l'équipe, la jeunesse parisienne n’était pas conviée à la fête, malgré les conseils avisés de Christophe Laussucq et David Auradou qui, eux, étaient conscients de son potentiel. «Cheika a failli sacrifier une génération en recrutant de gros salaires qui n'apportaient rien au club. Camara, Plisson, Bonneval, Flanquart, c'est moi qui allais les voir jouer en Espoirs. Lui ça ne l'intéressait pas», confiait Laussucq dans nos colonnes. A son arrivée, l’Argentin a responsabilisé Jules Plisson et Hugo Bonneval, qui sont devenus les porte-étendards du renouveau parisien. Alexandre Flanquart et Jonathan Danty ont véritablement explosé sous la direction de Quesada. Et les leaders installés n’ont rien eu à y redire, tant l’amalgame a été naturel.
L’implication nouvelle des joueurs n'y change rien: le vrai patron reste Gonzalo Quesada. S'il prend le temps d’écouter tout le monde, il tient toujours les rênes d'une main ferme. Sa gestion du cas Morne Steyn a ainsi été exemplaire. Le Sud-Africain était venu pour être numéro 1, mais n’a rien pu faire face à l’éclosion de Jules Plisson. Celui-ci blessé, Steyn brille en phase finale. Bien sûr, le premier choix de Quesada était sportif. Il a choisi d'aligner le meilleur de ses ouvreurs. Mais il a aussi su gérer un international qui se retrouvait sur le banc pour qu'il ne se démotive pas et puisse donner le meilleur de lui-même le moment venu. Ce n'est pas pour rien qu'il insiste sur le fait que «échanger est important. Il faut échanger pour que les joueurs puissent s'approprier le projet.»Adepte de la langue de bois règlementaire lorsqu'il juge que c'est nécessaire, Quesada est plutôt un bon client pour les médias. Affable et souriant quand certains de ses confrères donnent l'impression d'être là par obligation, Gonzalo Quesada a la faculté de faire croire à ses interlocuteurs que le monde autour d'eux n'existe plus. Lors des points presse du Stade Français, nulle tension, nulle colère rentrée. Et comme l’homme aime aller dans le détail, le lancer sur un point technique ou tactique peut entraîner des réponses très, très longues. «Les autres coaches parlent moins», reconnaissent ses joueurs avec amusement.